Depuis plusieurs semaines, une vague inquiétante d’arnaques téléphoniques secoue les affiliés du CNOPS (Caisse Nationale des Organismes de Prévoyance Sociale) et du CNSS (Caisse Nationale de Sécurité Sociale). À travers des appels téléphoniques émis par des individus se présentant comme des agents officiels, des citoyens sont poussés à fournir des informations bancaires et personnelles sensibles. Sous prétexte de régulariser des dossiers administratifs ou de procéder au versement de supposés remboursements, ces escrocs exploitent la confiance accordée aux institutions publiques.
Cette méthode, bien que classique dans le monde du cybercrime, prend ici une tournure particulièrement préoccupante, car elle se drape d’un vernis d’authenticité institutionnelle, exploitant des logos, des noms, et même des éléments de langage propres aux deux caisses sociales marocaines. Les victimes, souvent de bonne foi, se retrouvent piégées dans des manœuvres frauduleuses bien orchestrées.
Des témoignages concordants et alarmants
À en croire plusieurs témoignages recueillis sur le terrain, le scénario est souvent le même : un appel téléphonique est reçu, au cours duquel l’interlocuteur se présente comme un employé du CNOPS ou du CNSS. Il affirme qu’un dossier est en cours de traitement ou qu’un remboursement est prêt, mais qu’il manque certaines informations pour finaliser la procédure.
C’est alors que le piège se referme. Le demandeur frauduleux insiste pour obtenir des données telles que :
Le numéro de RIB (Relevé d’Identité Bancaire)
Une copie de la carte nationale d’identité
D’autres informations confidentielles comme le numéro d’adhérent, la date de naissance ou même des identifiants de connexion à des plateformes en ligne
Une fois les données transmises, les victimes constatent que leurs comptes peuvent être piratés, que des tentatives de retraits frauduleux sont effectuées, ou que leurs identifiants sont utilisés dans des opérations illégales à leur insu.
Le vernis de légitimité : le piège psychologique majeur
Ce qui rend ces escroqueries particulièrement redoutables, c’est l’usage abusif de la notoriété des institutions publiques. Les arnaqueurs savent pertinemment que mentionner le CNOPS ou le CNSS suffit à rassurer leurs interlocuteurs. Le langage utilisé est professionnel, le ton assuré, et les scénarios sont bien ficelés.
En exploitant les failles de la confiance sociale, ces réseaux criminels parviennent à instaurer un climat de légitimité artificielle. Les citoyens, peu familiarisés avec les nouvelles techniques de fraude, tombent dans le panneau sans se méfier.
Une montée alarmante de la cybercriminalité au Maroc
Ce phénomène s’inscrit dans un contexte plus large de cybercriminalité croissante au Maroc. Avec l’évolution rapide des technologies numériques et la dématérialisation des services administratifs, les arnaques s’adaptent et deviennent plus sophistiquées.
Selon les statistiques récentes de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) et de la Direction de la cybersécurité, les cas de fraudes liées à l’ingénierie sociale (c’est-à-dire aux manipulations psychologiques visant à obtenir des informations confidentielles) ont doublé en l’espace de deux ans.
Pourquoi cette tendance est-elle si difficile à enrayer ?
Manque de sensibilisation : La majorité des citoyens ne sont pas informés des méthodes employées par les escrocs.
Failles dans la sécurité des données personnelles : Des fuites d’informations chez certains prestataires ou administrations peuvent faciliter l’identification des victimes potentielles.
Absence de communication proactive des institutions : Le CNOPS et le CNSS ne communiquent pas assez sur leurs méthodes de contact officielles, ce qui laisse un flou propice aux abus.
Des appels pressants à l’intervention des autorités
Face à la gravité de la situation, plusieurs voix s’élèvent pour exiger une réaction rapide et ferme des autorités compétentes. Il ne s’agit plus d’incidents isolés, mais d’un phénomène structuré, vraisemblablement organisé par des réseaux cybercriminels opérant à l’échelle nationale, voire internationale.
Les attentes principales exprimées par les citoyens et la société civile :
Ouverture d’enquêtes judiciaires approfondies pour identifier et démanteler ces réseaux
Renforcement de la cybersécurité dans les institutions publiques
Formation des agents et des citoyens à la détection des tentatives de phishing
Lancement d’une campagne de sensibilisation nationale portée conjointement par le CNOPS, le CNSS, le ministère de la Justice, et celui de la Transition numérique
Le rôle crucial des institutions publiques dans la lutte contre les arnaques
Il est impératif que le CNOPS et le CNSS sortent de leur silence institutionnel. Leur responsabilité ne se limite pas à la gestion administrative des dossiers des affiliés, mais s’étend également à la protection des données personnelles et à la transparence dans leurs modes de communication.
Ces deux caisses doivent immédiatement :
Clarifier leurs canaux officiels de communication
Publier régulièrement des alertes de sécurité
Créer des FAQ claires sur leurs sites pour informer les usagers des procédures
Renforcer les systèmes d’authentification et de protection des données
Conseils pratiques pour éviter de tomber dans le piège
Pour faire face à cette menace, les citoyens doivent adopter des réflexes simples mais essentiels :
Ne jamais transmettre de données personnelles ou bancaires par téléphone
Vérifier l’identité de l’interlocuteur en demandant un rappel via un numéro officiel
Contacter directement les services du CNOPS ou du CNSS en cas de doute
Signaler toute tentative de fraude aux autorités locales ou via la plateforme officielle de cybercriminalité
Une lutte collective pour une sécurité numérique renforcée
La cybersécurité est aujourd’hui un enjeu national, qui ne peut être laissé entre les mains des seules victimes. Les institutions, les autorités, les entreprises technologiques et les citoyens doivent agir de concert pour construire un écosystème numérique sûr.
Le Maroc, à l’instar de nombreux pays en développement, est particulièrement exposé à ces menaces du fait de l’accélération de la digitalisation sans accompagnement massif de sensibilisation.
Il devient urgent :
D’intégrer des modules d’éducation numérique dans les cursus scolaires
D’instaurer une veille continue sur les nouvelles tendances du cybercrime
D’encourager les médias à traiter ces sujets avec rigueur et pédagogie
En définitive, les tentatives de fraude visant les affiliés du CNOPS et du CNSS ne sont que la partie visible de l’iceberg d’un phénomène bien plus vaste : la montée en puissance de l’arnaque numérique structurée. Elles mettent en lumière les failles de communication des institutions, la naïveté parfois légitime des citoyens, et le manque de dispositifs de protection adaptés.
Mais il ne s’agit pas d’une fatalité. À travers une réaction rapide des autorités, un engagement clair des institutions et une prise de conscience collective, il est tout à fait possible de contenir, puis éradiquer cette menace. La sécurité numérique est un droit, et sa garantie doit devenir une priorité nationale.