Raconter la réalité sur le terrain ou rester passif : le dilemme de Roshdi Sarraj, un journaliste et photographe palestinien établi dans la bande de Gaza. Il a tragiquement perdu la vie lors d’un bombardement israélien ce dimanche, comme l’ont rapporté divers journalistes français. Roshdi Sarraj était un précieux collaborateur pour les médias français en mission dans l’enclave palestinienne, notamment pour Radio France et Mediapart. Ses collègues le pleurent comme un ami inestimable, « celui sans qui je n’étais rien là-bas », confie Alice Froussard, une journaliste de la rédaction internationale de Radio France.
Agé de 31 ans, Roshdi Sarraj était marié et père d’une petite fille âgée de moins d’un an. Les deux femmes de sa vie ont également été blessées dans cette frappe, d’après Alice Froussard. « Roshdi était un journaliste courageux, révélant l’horreur sur place, celle que l’on préfère ignorer. Il était notre source d’information de première main, celui qui risquait sa vie pour nous tenir informés, à un moment où personne d’autre n’osait s’aventurer », ajoute-t-elle. Il était également co-fondateur de l’agence Ain Media, qui a annoncé le décès du journaliste sur les réseaux sociaux. Cette perte intervient cinq ans après l’assassinat de l’autre co-fondateur et journaliste d’Ain Media, Yaser Murtaja, lui aussi tué par les forces d’occupation israéliennes alors qu’il couvrait les événements de la grande marche pacifique du retour en 2018 à la frontière de la bande de Gaza.
La période actuelle est qualifiée de « la plus difficile » de sa carrière. Depuis l’attaque terroriste du Hamas sur le territoire israélien du 7 octobre, seize journalistes palestiniens ont trouvé la mort dans la bande de Gaza, selon un décompte de leur syndicat daté du vendredi précédent. Ce décompte ne prend pas encore en compte le décès de Roshdi Sarraj. Dans une interview accordée à Mediapart, il avait partagé sa passion pour son métier, son désir d’informer sur la situation des Gazaouis et les défis qu’ils rencontrent depuis le 7 octobre. « C’est la période la plus difficile que j’ai connue dans ma carrière. C’est un désastre. Nous avons dû faire face à des offensives et à un blocus israéliens depuis des années, mais cette fois-ci, c’est terrible », déplorait-il lorsqu’il était interrogé par Céline Martelet au sujet du décès d’un autre journaliste, Ibrahim Lafi, qui collaborait avec Mediapart.
« Nous, les journalistes de Gaza, ressentons une terreur profonde lorsque nous partons sur le terrain, car nous laissons nos familles à la maison, et l’armée israélienne pourrait les prendre pour cibles », ajoutait-il. « Israël tente également de couper la bande de Gaza du monde médiatique en restreignant notre accès à Internet, ainsi, le monde n’a pas d’image de ce qui se passe ici, des crimes de guerre qu’ils commettent contre des femmes, des enfants, des civils. » Malgré la peur et la menace de bombardements, « nous n’avons pas le choix », affirmait Roshdi Sarraj. « En tant que journaliste, j’ai seulement deux options : continuer à exercer mon métier pour révéler ce qui se passe, ou rester à la maison sans rien faire. J’ai choisi de filmer et de photographier pour que le monde entier sache ce qui se passe dans la bande de Gaza. »
Youssef M. est journaliste web, passionné par le bien-être, le design, la culture et les tendances digitales, il signe des articles authentiques et inspirants qui allient créativité, expertise et curiosité du monde moderne.


